Samedi, ce sont près de 42.000 metal heads qui ont convergé vers le site du Graspop. Certains y ont célébré un culte étrange : celui de la musique qui noue les tripes et reconfigure les neurones.
Les types de Mastodon ont au moins sept doigts à chaque main. Il faut bien ça, pour jouer avezc une telle virtuosité, en manipulant en même temps à tout va le changement de vitesse, le frein, l’accélérateur et l’embrayage. Et en tirant de têtes pas poss’ ! Les techno-ludiques de ce début de soirée, voilà de quoi ont l’air Troy Sanders (chant, basse) et les siens, posés devant la repro en très grand d la pochette du dernier album en date (Once more ‘round the sun). Comme on dirait qu’ils ont fait ça toute leur vie (c’est presque le cas), du coup, ils donnent aussi l’impression d’être un peu dans la routine. Ce qui évidemment ne soulève pas la foule (ou ne l’aplatit pas, c’est selon).
Deuxième coup de cœur et coup au plexus de cette journée de samedi, après Amenra : Cult Of Luna, qui aurait pu n’être qu’une émanation des sombres élucubrations de Neurosis, mais non… Noisy par instants, puis post-rock à d’autres, les Suédois à qui l’on doit l’album Vertikal sorti l’an dernier glissent également quelques discrètes touches d’électronique dans leur bande-son de l’Apocalypse. C’est élaboré sans être outrageusement ou gratuitement sophistiqué. Les riffs, implacablement répétés, mènent l’auditeur tout droit au final dantesque (« Dark city Dead man »).
Les claques, on les prend plus vite quand on sort des canevas classiques, voire antiques du genre métal. Neurosis ? C’est par le groupe de Scott Kelly que tout commence et tout fini. C’est lui qui, avec ce métal lent comme un magma a montré la voie à Amenra et Cult Of Luna. Lent mais mordant comme un puissant acide. Surtout que le seul « visuel » est un light show constamment dans le bleu. Pas moyen d’être distrait, donc, pas moyen de s’échapper, à moins de sortir du Marquee. Les Californiens jouent aussi sur les atmosphères, côté claviers notamment, où Noah Landis développe une sorte d’ambient aux relents indus… quand il ne fait pas trembler les lieux au son du glas. N’ayant que deux joues, je me contenterai de deux baffes et d’installer Kelly & co sur la troisième marche du podium des instants forts. Comme une toute petite impression d’uniformité, de linéarité, par moments dans ce set. Reste que c’est dans le silence qui suit Neurosis que tu sens l’angoisse venir te tripoter de ses petits doigts froids.
Didier Stiers